"Comme beaucoup de gens de ma génération, je n’ai presque pas osé approcher le ballet et l’opéra, arts trop nobles, croyais-je, a priori. Si ce n’est à travers les vinyles soviétiques Melodia de mes parents ou les souvenirs soporifiques de Lac Noisette ou autre Casse des Cygnes, forcé, enfant, d’accompagner ma mère au Bolchoï, dans mes jeunes années du Moscou brejnévien. Alors que faire ?... Peut-être simplement partir d’une pure fascination physique de néophyte : d’où viennent ces voix inhumaines ? D’où, dans le corps, la troublante anomalie du chant prend-t-elle sa source, sa douceur et sa puissance ? La vibration, l’air, le son… Est-ce qu’entre le cri du bébé, l’envoûtement de la berceuse, l’effroi de l’héroïne hitchcockienne sous la douche, la respiration au travail ou les râles de la jouissance, Barbara Hannigan me soufflerait-elle la voie ?..."